Discours du 11 novembre 2001

La guerre de 1914-1918 marque un tournant fondateur dans l'histoire des nations. C'est la fin du XIXème siècle, le début de l'ère moderne.

Dès la fin de 1914, la France était en partie occupée par l'ennemi ; les moyens de son industrie de guerre et sa survie, les houillères du Nord, le fer de Lorraine, l'Alsace, la Moselle, étaient sous la botte prussienne. C'est l'effort gigantesque de la nation française tout entière, de ses femmes qu'est venu le complément du sang versé par les soldats.

Notre volonté de ne pas oublier est manifeste : car dans la grande hécatombe qui a saigné la jeunesse française, nous avons tous perdu au moins un membre de notre famille.

Lequel, parmi ces millions d'hommes âgés de vingt à quarante ans, partis en août 14 pour une guerre dont ils pensaient qu'elle serait teminée en quelques mois, lequel pouvait imaginer qu'un million quatre cent mille ne reviendraient jamais, et qu'un million cent vingt mille d'entre eux seraient mutilés, que certains n'auraient plus d'yeux pour revoir leur foyer, que d'autres n'auraient plus de jambes pour courir vers leurs familles, que d'autres n'auraient plus de bras pour étreindre leur épouse et leurs enfants, lequel s'imaginait qu'il croiserait 600 000 veuves et 980 000 orphelins.

La grande douleur doit rassembler les Français en deuil. Les morts sont tous confondus dans la même gloire, du simple fantassin à l'officier chargeant à la tête des troupes.

Les poilus ont connu un mélange de grandeur, de naïveté, d'horreur, de banalisation de l'atroce, de joies, car il y en eut, d'autant plus fortes que l'on pouvait perdre la vie à tout instant.

Commémorer le 11 novembre, c'est accomplir notre devoir de mémoire à l'égard de ceux qui nous ont légué les valeurs républicaines et donné des repères moraux pour l'approche d'un avenir que l'on veut toujours meilleur et solidaire.

Le 11 novembre est le symbole d'une victoire : victoire de la démocratie, mais aussi victoire de la paix sur une désastreuse guerre civile européenne, entraînant une grande partie du monde dans son malheur.

Une Europe de paix et de liberté, unie par la seule volonté des nations qui la composent, demeure une garantie précieuse contre la répétition d'un tel désastre, l'histoire d'aujourd'hui en assure la démonstration.

S'il est vrai que les hommes meurent deux fois, la première fois le jour de leur décés, la seconde fois lorsque plus personne ne parle d'eux, ayons garde de toujours préserver leur souvenir.