En 1940, les Allemands à Millançay, Romorantin, Pruniers et prise de Selles-sur-Cher
source : bulletin de la Société d'Art et d'Archéologie de la Sologne n°2, 1980
récit des forces d'occupation
extrait de Die soldatische tat Ausgeniahet und beartse let de Von Ehrard VITTEK, éditions Deutsdet Verlag-Berlin-1941

 

Nous devons avancer aujourd'hui vers le Cher et faire la tête de pont à Selles ; chargés de cette mission, nous quittons Millançay le matin du 19 juin 1940, village qui, le soir précédent, nous avait, avec des chars Français de 32 tonnes, si mal acceuillis. Ils avaient bien été tous les trois détruits par nos troupes anti-chars, mais malgré tout ils nous avaient coûté quelques heures précieuses que nous devions rattraper aujourd'hui.
Nous les voyons encore dans notre esprit, brûlant toute la nuit, et nous entendions encore les obus qui éclataient dans le brasier. Ils se trouvaient maintenant complètement brûlés, l'un à côté de l'autre comme des dragons préhistoriques mortellements atteints, qui une fois encore ont craché toute leur haine à la face de leurs adversaires victorieux, ces grands colosses gris.
Avec la section avancée nous continuons notre route vers le Sud, au bord du chemin des femmes e des enfants sourient et nous font signe, joyeux à l'idée que la guerre tire bientôt à sa fin. "C'est presque comme notre avance dans les Sudètes" dit l'un de nous, et nous sommes tous d'accord avec lui. Malheureusement les jours précédents avaient été bien différents. Ca et là, nous dépassons des groupes isolés de soldats Français. Usés par les combats et fatigués de toujours battre en retraite ils marchent vers Romorantin. A notre vue ils ont l'air complètement stupéfaits. Leur attitude le montre clairement : ils ne peuvent pas comprendre que nous sommes déjà là. Nous les hélons, et ils jettent tout de suite leurs armes, font demi-tour et retournent où ils sont venus. Ils prennent le chemin de la captivité, mus par le seul instinct d'échapper aux attaques infernales des Allemands.

Nous atteignos Romorantin, une localité d'environ 10 000 habitants, épargnée dans sa presque totalité et regorgeant de réfugiés.
Derrière Romorantin, une courte halte. La troupe de choc en elle même se sépare de la section avancée, deux auto-mitrailleuses, des autos blindées et un agent de liaison motorisé. Ce n'est pas beaucoup pour une tête de pont, mais le pont de la Loire à Orléans nous a montré que chaque entreprise, basée essentiellement sur la surprise de l'adversaire, peut être menée à bien avec seulement une poignée d'hommes décidés, et cette fois-ci encore ce sera une surprise pour l'adversaire.
A une vitesse folle, nous fonçons dans la direction de Selles. Nous avons à peine le temps de voir un terrain d'aviation militaire qui se trouve à gauche de la route et qui a été très efficacement rendu inutilisable par nos Stukas et nos chasseurs. Nous concentrons toute notre attention sur les seules bornes kilométriques qui nous disent qu'il n'y a plus que 15, 14, 10 km pour arriver à Selles. Nous sommes maintenant plongés totalement dans l'exitation de notre coup de main imminent.
Nous voyons émerger les premières maisons de Selles, et peu après, le pont. Il est encore intact. Mais quel est donc cet attroupement sur le pont ? Une longue colonne brune où l'on distingue des pièces d'artillerie s'y arrête. C'est une section d'artillerie de campagne Française, ils ont bloqué le pont par leur comportement indiscipliné. Nous n'allons pas loin avec nos véhicules. Beaucoup de temps pour réfléchir, n'ous en avons plus. A l'appel de notre chef de compagnie, "tout le monde en bas", nous avons tous sauté, et hop, au pas de course vers le pont... Mais vite, vite vers la chambre à mine du pont avant qu'ils puissent mettre à exécution leur projet de le faire sauter.
Mais que vont faire pendant ce temps là les cannoniers Français ? Stupéfaits ils nous suivent des yeux. Ils ne peuvent absolument pas s'expliquer ce que veulent ces soldats habillés d'un uniforme qui leur est si inabituel.
Peut être sont-ce des Anglais que l'on a si souvent évoqué dans les journaux ? Mais qu'ils puissent être des Allemands, il n'y en a vraiment pas un seul à y penser.
Notre chef de compagnie, le Ltn EIRENR a entre temps atteint l'extrémité de la colonne, le Ltn FUST couvre l'autre extrimité du pont vers la gauche et le reste, c'est à dire nous trois, nous sommes échelonnés le long de la colonne. "A bas les armes" leur crions-nous. A l'aide de pistolets et de nos fusils nous leur donnons une idée plus nette de nos exigences. Ils regardent avec égarement autour d'eux et jettent les armes. Les nègres qui sont avec eux n'ont pas encore compris. Pourvu qu'il n'y ait pas un coup de tiré, car dans le cas contraire tout serait perdu. Mais nous avons de la chance, les armes sont rapidement déposées sans incident, il en est de même pour les noirs. Nous nous réjouissons de cette réussite et nous cherchons à savoir si le pont est prêt à sauter. Nous traversons la colonne en direction de la route d'accès qui monte sur la droite.
Oui, il y a encore deux pièces ici en position de feu dont les canons menacent directement le pont. Les servants nous regardent stupéfaits. Ils n'avaient pas remarqué notre course sur le pont à travers la colonne en arrêt. Deux officiers se rendent compte de la situation périlleuse et ils tirent leur pistolet mais trop tard. Notre caporal LINDNR leur a arraché des mains à l'instant même et déjà ce diable d'homme s'est élancé jusqu'au char de 32 tonnes qui se trouvait en retrait, et en a désarmé l'équipage.
Le caporal HOBFAUER s'élance entre temps vers la route d'accès gauche. Juste dans l'entrée d'un portail il tombe sur un char de 24 tonnes. La sentinelle Française qui se trouvait de garde lit le journal. Peut-être voit-il déjà en pensée la perspective d'un armistice. Mais il va être cruellement ramené à la réalité. C'est encore et toujours la guerre. Lui, et l'équipage du char qui dormait prennent maintenant le chemin de la captivité.
Tout ceci est l'ouvrage de quelques secondes. De nouveaux défenseurs continuent d'affluer. A peine avons-nous repéré la mitrailleuse lourde qui se trouve dans la maison à droite que nous y avons déjà fait irruption et que nous avons mis hors de combat les servants de la mitrailleuse. Ici aussi ce sont les mêmes visages surpris. Celà aurait constitué pour nous une belle prise s'ils avaient tous été au front.
Entre-temps, la mèche d'allumage avait été découverte et rendue inutilisable. Enfin, le pont est bel et bien à nous.

La première auto-mitrailleuse traverse le pont et vient renforcer notre tête de pont. Viennent s'y rajouter deux sections d'infanterie. Tout d'un coup, venant de la droite, un tir de mitrailleuse Française. Il passe de peu au-dessus de nous. Ah ! Ah ! celui-ci aussi vient de se réveiller ! Une de nos mitrailleuse légère se met en position. De nouveau ils tirent depuis une petite rangée de buissons. Notre mitrailleuse les réduit au silence et là en haut le crépitement se tait déjà. Nous repassons maintenant le pont dans l'autre sens. L'une des rampes, comme nous pouvons seulement le constater, était mise de côté. Vraisemblablement pour empêcher que les obus qui nous étaient destinés n'éclatent trop tôt. Nous atteignons la rive occupée par les nôtres.
Les pionniers KLENK et KRIEGSHAUSER qui étaient restés en arrière près des véhicules ont accompli là aussi tout un travail. Il y avait là quelques Français rétifs. KLENK s'était engagé dans un corps à corps avec un noir grand comme une perche, mais l'avait dominé grâce à sa technique. Les équipages des chars nous secouent les mains et dans leurs yeux on peut lire la grande joie qu'ils éprouvent pour notre coup de main si brillament réussi. Notre chef de compagnie revient justement aussi, il a encore fait un prisonnier intéressant : le commandant du groupe blindé Français. Il l'a tiré directement de son lit. Tout réussi à celui qui se lève tôt !

Un avion Anglais apparaît, il cherche à sauver encore quelque chose mais nous ne rendrons plus ce qui est entre nos mains. Aussitôt notre D.C.A. l'attaque furieusement. Nous suivons des yeux, tendus, les projectiles traçants. Ils se rapprochent toujours un peu plus de lui. Il zigzague, touché. Il cherche encore à se redresser. Mais c'est inutile, il plonge vers la terre dans un piqué vertigineux. Un terrible craquement et ce dernier attaquant est lui aussi mis hors de combat.

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