Victor Hugo et sa famille en Sologne
source : bulletin de la Société d'Art et d'Archéologie de la Sologne n°4, 1971

 

A la fin d'une carrière militaire honorable, le Général HUGO, père de Victor, se retira à Blois au 71 de la rue du Foix. Il acheta le 12 décembre 1823, la propriété de la Miltière appartenant à Michel GOUHIERE s'étendant sur les comunes de Pruniers et de Lassay sur Croisne. A cette époque, la Miltière comprenait : maison de maître, cénacles, enclos dit "le parc de la Miltière" distribué en jardins anglais entourrés de fossés. La superficie totale était d'environ cinq hectares répartis en terres, près et taillis. Il semble que le père de Victor fit de nombreux séjours à Pruniers et qu'il s'y plaisait. Il aimait la solitude et les longues promenades à pied. Quant à la chasse il s'en désintéressait ainsi qu'en fait foi une lettre qu'il adressa à son fils Victor en janvier 1824 : "Si tu aimes la chasse, tu pourras y tuer des livres, des perdrix et d'autres bêtes que j'y laisse vivre paisiblement". Certes le pays était giboyeux mais malsain comme toute la Sologne d'alors, en raison de nombreux étangs dont on voit encore les traces. Quant au revenu que pouvait procurer la propriété, ils devaient être des plus minimes, ils vendaient, entre autres, du sable.

Pour la famille HUGO, la Miltière est marquée par un douloureux souvenir : l'inhumation sur les lieux mêmes du premier enfant de Victor HUGO. Le petit Léopold mourut le 9 octobre 1823 à Blois. Le lendemain il fut décidé que l'enfant soit embaumé entier dans une petite caisse de chêne et qu'à la Miltière fut bâti un petit emplacement. Or, à cette date, le Général HUGO n'avait pas encore acheté la Miltière.
Cette tombe esiste toujours à la Miltière, elle se trouve à l'est de la maison principale, à 200m environ, dans une taille à un endroit où le terrain, légèrement relevé, forme un petit tertre.
Au sujet de cette sépulture, le Docteur blésois THEVARD qui, après 1918 chassait à la miltière précise :
"Dans ma jeunesse, je suis allé presque chaque année chasser dans une propriété située près de Romorantin, sur la route de Lassay, la Miltière. La partie de chasse était précédée d'un déjeuner des plus cordial. On le dégustait dans la salle à manger de la petite maison de maître qui entourait un parc très ombragé, les allées serpentaient tout autour, aboutissant à une sorte de rond point au milieu duquel se trouvait un tumulus".

Victor HUGO arriva à la Miltière en 1825, probablement les 7 ou 8 mai, accompagné de sa femme et de sa fille. Rapidement il prit la plume. En effet, deux lettres datées de la propriété sont connues. L'une envoyée à son beau père, Paul FOUCHER, l'autre à son ami Charles NODIER. De la première, du 10 mai, voici le deuxième paragraphe : "Je suis pour le moment dans une salle de verdure attenante à la Miltière, le lierre qui en garnit les parois jette sur mon papier les ombres découpées dont je t'envoie le dessin puisque tu désires que ma lettre contienne quelque chose de pittoresque. Ne vas pas rire de mes lignes bizarres jetées au hasard de l'autre côté de la feuille. Aies un peu d'imagination. Suppose tout ce dessin tracé par le soleil et l'ombre et tu verras quelque chose de charmant. Voilà comment procèdent ces fous que l'on appelle des poètes." Ce lyrisme inspiré par la solegne se retrouve dans son poème "Fuite en Sologne" composé en août 1859, du recueil Chansons des Rues et des Bois, inspiré donc par les bois de la Sologne.

Victor HUGO vint-il à Romorantin, ville distante de 6 km de la Miltière ? Il fut en 1864 en relations avec le notaire romorantinais THEVARD au sujet d'un héritage de 1500 Francs provenant de la famille LOURY. Quant au vin de ROmorantin il n'en fit pas l'éloge dans sa pièce Lucrèce Borgia, scène I, acte 2 : "Et tu n'as jamais entendu parler des gens dont les dents claquent de terreur parler de ce fameux poison de Borgia qui, en poudre, est blanc et scintillant comme de la poussère de marbre de Carrare et qui, mêlé au vin change du vin de Romorantin en vin de Syracuse".

Le Général Hugo mourut en 1828, ses héritiers ne tinrent pas à garder la propriété solognote. La Miltière fut adjugée 20.020 Francs à CACHELOn-DESJARDINS. Le mobilier, dispersé, produisit la somme de 681.04 Francs. La propriété passa ensuite au médecin BONSERGENT de Romorantin, puis CAMUS-NORMANT, GOUMAIN, LEGRAND et Antonin BRIANT. La Miltière fut transformée en exploitation agricole en 1920.

La maison de maître n'a pas changé. Seul le balcon du levant, en mauvais état, a été enlevé vers 1900. Dans la grande salle du rez-de-chaussée, on retrouve le miroir de style Directoire scellé au dessus de la cheminée. Par contre, celle-ci n'est plus la même que du temps du Général Hugo. Elle a été démontée par GOUMAIN qui l'a reconstituée à son domicile de Lanthenay. Les abords de la maison, par contre, ont bien changé. Les étangs ont été asséchés et transformés en prairies et les bois repoussés le plus loin possible. A l'ouest, au milieu du siècle dernier, a été bâtie la ferme de la Miltière, à cheval sur les communes de Lassay et de Pruniers.

Retour Historique