Mémoires de la Commune de Pruniers-en-Sologne

 

La volonté d'écrire la mémoire de la commune a pris naissance après que Maurice GAULTIER ait transmis à Michèle HENAULT, Maire-Adjoint de Pruniers, directrice du Service Infirmier à Domicile (S.I.A.D.) de Romorantin avec qui il était en relation professionnelle à cause de la maladie de son épouse. Monsieur GAULTIER tient à rendre hommage à Michèle HENNAULT pour son dévouement et la remercie du soutien et de l'aide qu'elle lui a apporté avec toute l'équipe exemplaire du S.I.A.D. lors des moments difficiles qu'il a vécu.
Après avoir pris connaissance du manuscrit de Maurice GAULTIER "Votre Pruniers en 1934", dont le récit est tapé ci-dessous, des prunellois se sont réunis autour de lui pour faire connaître la vie à Pruniers au temps de leur enfance. Il n'est pas question d'écrire l'histoire de la commune mais seulement rapporter des témoignages et anecdotes vécues à partir des années 1930. Ce travail de mémoire représente les souvenirs des prunellois et d'amis voisins qui ont connu cette époque, à savoir:

Rose-Anne LELOUP, épouse MALLIET
Lucien BOULEAU
Lucien CARRE
Maxime CHEVY
Maurice GAULTIER
Pierre GERMAIN
Jean MORLON
Roger LAMBERT
Jean-Marie BISSON
Henri CLOAREC

Votre Pruniers en 1934

Mes parents, à leur mariage, sont venus habiter dans votre gentille commune, une vieille maison aux murs noircis en face de l'actuelle salle des fêtes. Ensuite ils ont emménagé dans la maison qui fait le coin de la rue Abel Boissay et de la rue du Lieutenant Colonel Mailfert. Dans la cour il y avait un portique fabriqué par le menuisier, avec trapèze, anneaux, corde lisse, à noeuds, ainsi qu'une balançoire. Mes copains étaient nombreux à s'amuser dans la cour.

Pour commencer, voici la liste des commerçants et artisans. Deux épiciers, LEGENDRE, à l'entrée de la rue du Grand Village ; l'autre, BONSIGNE, en face de la boulangerie qui était tenue par ARDON. Une charcuterie et café-billard à la place de la mairie tenue par CARRE, toujours souriant. Un autre café se situait où est actuellement le Petit Chesnay. Il faisait tabac et billard. Le patron était POUPARDIN. Un forgeron, THOMAS. Un menuisier, BOITIER, était rue du Grand Village. Il fabriquait des cercueils. Le café PLAT du Chalet, le café des Brusolles, le café des Quatre Roues tenu par une chinoise venue en 1917 avec les américains, le café de Château Margot, dans une baraque de l'armée... Mais la liste ne serait pas complète si l'on n'y ajoutait pas deux autres cafés qui, bien que sur le territoire de Gièvres, étaient aussi fréquentés par les Prunellois : le Café des Glycines au Chêne Raboteux et naturellement le Café-Restaurant du Chalet. Face à la base aérienne, le garage BASTIE et ensuite SEGRET. Une petite ferme, MESTRE, se situait à l'emplacement de la pharmacie actuelle.
En voiture à cheval passaient deux commerces ambulants: une épicerie de Romorantin qu'on appelait "La Baraque de Stock" et ensuite prenant l'enseigne "Le Familistère" ; l'autre était le boucher de Gièvres.

Il y avait quelques vaches laitières qui fournissaient à pas mal de villageois un lait excellent. Les plus grandes fermes se situaient autour de la Maison Blanche, des chatelains des Thivault et de Chêne Moreau, ainsi que d'autres plus petites comme les FOLTIER, LEROY et autres. Il y avait à cette époque beaucoup de métayers.

La mairie se situait à l'ancienne école des garçons, sur la place de l'église. L'école des filles était route de Gy, à la place du centre de loisirs. Les instituteurs s'appelaient tous les deux Roland SIMON. Dans la petite classe, un SIMON nous enseignait le solfège, nous faisait jouer du pipeau et jouait du violon en nous accompagnant en chantant. A la fin de l'année scolaire il y avait la photo de groupe et une très belle distribution de très beaux livres de prix aux reliures rouge et or. Cette remise de prix se faisait sous les préaux. Le matin et le soir, c'était le défilé des voitures à cheval, des Thivaults au Chêne Moreau, en même temps que de nombreuses fermes, on amenait les enfants de l'école ou on les ramenait. Il n'était pas rare, en ce temps là, que les élèves fassent deux à trois kilomètres aller et retour, chaussés de galoches. Il y avait un élève nommé LEBERT qui imposait sa loi à tout le monde. Nos instituteurs n'en savaient rien. Mais, un jour, avec deux copains, nous lui avons flanqué une vraie raclée sur le montant d'un pylone électrique qui se trouvait en face de la maison de la famille DOUCERON. Depuis ce jour, nous étions devenus les trois héros de la classe.
La poste était où se trouve l'actuelle maison des associations et était tenue par Madame HERAULT, dont le mari tiendra plus tard un petit garage à droite sur la route de Romorantin.
Accolé à droite de l'église près de la sacristie se trouvait le garage du corbillard.
A l'emplacement actuel de la charcuterie CARRE se trouvait le presbytère avec sa gardienne GANTUA.
Le taxi BOULETTE de Gièvres venait assez souvent et nous étions en admiration devant sa couleur et ses cuivres.
Pour les médecins, c'étaient ceux de Romorantin qui venaient mais celui qui avait le plus de clients était le Docteur JOCINE de Chabris. Il avait un avion personnel à la base aérienne. Le soir, par beau temps le dimanche, il survolait la commune en ballançant des ailes, une façon de nous dire bonjour.

Le principal employeur était l'entrepot de l'armée de l'air.
Il y avait un employé municipal qui s'appelait GAULLIER, que l'on surnommait "Le Père Mieteau". Vers 16h, en laissant son travail, il disait "j'vais manger une miétée" qu'il faisait avec de l'eau, du vin et du pain. Il balayait les deux routes qui traversaient le village. Un jour, le Père Miéteau avait laissé sa brouette sur la route, le Docteur JOCINE ne pu l'éviter avec sa voiture rouge... Le Docteur paya une nouvelle brouette à la commune.
A cette époque, il y avait beaucoup de surnoms. Le mari de l'épicière BONSIGNE ayant fait son service militaire en orient et ayant conservé son sabre, on l'appelait "Le Sabreur".
Un petit fermier BERNIER, savait tout, on l'appelait "Le Directeur".
Le café POUPARDIN qui voulait régner partout, était "Le Caïd".

Il y avait trois fêtes foraines par an. Une sur la place de l'église (la Saint-Jean ou "Louée" en juin), une du côté gauche du restaurant Le Chesnay (la Saint-Michel en septembre), la dernière au Chalet. Il y avait la baraque de tir avec confiseries. Un manège pour enfants qui était entrainé par un petit cheval, qui, un jour, en s'emballant, a déséquilibré le plateau, à la grande peur des mamans et des petits. Une année, il y eut la venue d'un nouveau manège de Gièvres, cette fois-ci mécanique, le Lin Wood.
Il y avait parfois la ménagerie MICHELET, encore de Gièvres, avec ses lions.
Tous les ans, la grande attraction était la venue du cirque CHOCOLAT avec ses chevaux et sa ménagerie. Le cirque se montait après le garage actuel. Si le montage s'effectuait un jeudi, jour non travaillé à la place du mercredi de nos jours, une grande partie de la marmaille assistait au montage du chapiteau et, le soir, pour les plus aisés, au spectacle.
Les bals avec parquet étaient soit organisés par Constant MARY de Villeherviers, soit par Valentin RYNINE de Gièvres.
Il y avait les feux de la Saint-Jean, qui se situaient au Grand Village, en face du cimetière. Un habitant confectionnait un système à explosion avec une bille de bois surmontée d'un tuyeau rempli de poudre. Ce qui faisait l'effet d'un petit feu d'artifice.
Le 14 juillet, il y avait une prise d'arme le matin par un détachement de la base aérienne et, l'après-midi, des festivités : mat de cocagne sur la place de l'église ("Oh hisse ! Oh hisse!"), course en sac, baquet basculant rempli d'eau, course cycliste, avec, tous les ans, la lanterne rouge.
Le 11 novembre avait lieu un grand rassemblement d'anciens combattants de 14/18.
Certaines années, il y avait un grand meeting aérien avec de célèbres pilotes acrobatiques : Marcel DORE avec son Potez biplan aux ailes zébrées de rouge et de blanc et encore Michel DETROYAT ou DELMOTTE. Il y avait des tonneaux, des loopings et des vrilles avec redressements au sol. Ce qui faisait un très grand spectacle. Il y avait la parachutiste Edith CLARK et l'Homme Oiseau, CLEMSON (heureusement avec un parachute). La musique militaire accompagnait le tout. Ce jour-là, il y avait une grande circulation du Blanc-Argent, avec descentes en gare de Pruniers venant de Romorantin et de Gièvres. Les rames étaient tirées par les locomotives à vapeur crachant leur panache de fumée blanche ou grise. Parmi ces locomotives, figuraient la 25 et la 32 qui, d'après les mécaniciens Gaston DELETANG, POMMIER et autres, étaient les plus rapides. A part ces jours de meeting, le trafic de marchandise par B.A. était tout de même assez dense. Un embranchement particulier avec plaque tournante desservait le moulin des Quatre Roues.

Le moulin des Quatre Roues fournissait et fournit encore de nombreux boulangers de la région. On voyait passer un gros camion Latil sur chassis haut avec un impressionnant moteur de 1m50 de long avec aires d'aération sur les côtés. Ce camion avait servi aux maquisards qui avaient peint le nom de leur unité : Charlot Ferlampin.

Un matin, un bruit bizarre venant du ciel fit sortir les habitants du village. C'était le passage en plusieurs fois d'un Autogyre, précurseur de l'hélicoptère, qui allait à la base aérienne. Les anciens disaient avec surprise dans leur patois :"Ce que c'est dont que s'taffée là ?

Mon enfance, en 1934, a été le point de départ, comme tout le monde, d'une vie de joies et de peines.

Maurice GAULTIER

Scolarité
Les commentaires et photographies ci-dessous, sont le fruit des réunions des anciens de la commune

Les photographies ci-dessous nous montrent l'importance que revêtait la fin de l'année scolaire. Tout d'abord par la remise des prix, par les photographies de fin de cycle scolaire et la distribution de superbes livres à couverture rouge avec la tranche des pages dorées.

Cette photographie de fin d'année scolaire met en avant le thème de la marine avec tous les petits mousses et le capitaine, barbu, pour asseoir son autorité. Le capitaine s'appelait Roger COUSIN. Sur cette photgraphie il avait 16 ans, le déguisement le vieillit !!! Il n'appartenait pas à cette classe, il était venu exprès, déguisé, pour représenter un capitaine pour la photographie.


1934

Les écoles de Pruniers étaient dans le bourg à l'emplacement de l'actuel centre de loisirs pour l'école des filles et dans les locaux de l'actuel salle informatique-centre adolescents pour les garçons. Il existait également une école à la Miltière. Les enfants les plus éloignés faisaient tous les jours, avec leurs galoches en bois, plus de six kilomètres aller et retour. Ainsi, le jeune Serge BARBOUX de la Gastière, en passant aux Quatre Roues, retrouvait Bernard GAULIER et ils continuaient ensemble sur le chemin de l'école.

 

Les commerçants
Textes extraits du bulletin de l'an 2000

Les six cafés
Jusqu'aux années qui suivirent la dernière guerre, Pruniers comptait six cafés, alors qu'il n'en compte plus que deux aujourd'hui. Le Petit Chesnaie était alors le Café POUPARDIN. Il faisait à la fois café, restaurant, cinéma, coiffeur et sabotier. Et il louait même des chambres.
Le Café de la poste situé à l'angle des rues Mailfert et Clémenceau s'est appelé plus tard La Petite Raboliote. Monsieur POIDRAS lui a donné ce nom en 1979. Il s'appelle maintenant Le Prunellois.
Là où depuis 1964 se dresse la mairie se trouvait le café et la charcuterie Carré, qui s'installa plus tard au presbytère, ainsi qu'un café dont l'enseigne, en dépit de plusieurs propriétaires successifs, porta longtemps le nom de Café GOURDET Débitant. Au bout de la route des Bruzolles se tenait le Café de l'Aviation où on vendait le journal "Le Matin". Il y avait un café aux Quatre Roues et le sixième, L'Estanquet, était à la Sablière. Mais la liste ne serait pas complète si l'on n'y ajoutait pas deux autres cafés qui, bien que sur le territoire de Gièvres, étaient aussi fréquentés par les Prunellois : le Café des Glycines au Chêne Raboteux et naturellement le Café-Restaurant du Chalet.

Les trois épiceries
Aujourd'hui la seule épicerie existante a pour enseigne Au Panier Sympa. Autrefois, c'était tout simplement l'épicerie alimentation qu'ont tenue successivement madame LEROY, madame LEGENDRE, madame AYRALD, madame PLAT, madame GUIGNEDOUX, madame RICHARD et madame BLANCHARD. Mais à cette époque, il y avait deux autres magasins du même genre. L'un se trouvait face à l'actuelle boulangerie et il était tenu par madame BONSIGNE et l'autre, dans la rue Georges Clémenceau, par madame LEGER.

L'alambic de monsieur BERNIER
Monsieur Bernier était bouilleur de cru. Il assurait également, de façon officieuse, les fonctions de passeur quand la Sauldre était en crue. Ils faisait passer les gens qui allaient à la gare ou qui en revenaient à bord de sa charette tirée par son cheval. Autrefois les crues de la Sauldre étaient fréquentes. Des anciens se souviennent encore de l'époque où, avant que des aménagements de la Sauldre aient été entrepris, que l'eau venait jusqu'au mur de l'école des garçons, actuellement salle informatique et centre adolescents. L'alambic du village se trouvait derrière l'église. Quand monsieur BERNIER décéda on transporta l'alambic au pied du pont, sur la rive droite de la rivière et la commune construisit à la place devenue libre un garage destiné à remiser la voiture de monsieur SIMON, instituteur, et le corbillard municipal que conduisait monsieur MORLON, maçon de son métier et croque-mort à l'occasion. Un jour, monsieur MORLON trouva un marcassin dont les parents avaient été victimes de la chasse. Il l'éleva au biberon et, comme c'était une femelle, il l'appela DOLY CLOCLO. L'animal devint familier au point de prendre peu à peu l'habitude de suivre son maître comme l'aurait fait un jeune chien. Et bientôt on vit le marcassin, devenu sanglier, traverser le bourg, accroché aux basques de son maître qui avait coutume de rencontrer sa clientèle dans les cafés de Pruniers. En grandissant, le gentil sanglier retrouva ses instincts de bête sauvage et monsieur MORLON dut malheureusement s'en séparer.

La chemiserie
A cette époque déjà, peut être dégoûtés par le rythme de vie qu'on menait dans la capitale ou probablement découragés par le montant des salaires qu'il fallait verser chaque mois (ou pour les deux motifs à la fois), monsieur et madame Jean SIMON avaient pratiqué la délocalisation de leur entreprise en la transférant à Pruniers. C'était une chemiserie. Elle était installée dans l'ancienne cure abandonnée par le curé qui résidait à Gièvres. Elle correspondait au n°35 actuel de la rue Georges Clémenceau. Cette chemiserie employa une douzaine d'ouvrières jusqu'en 1958, date à laquelle un repreneur transféra l'atelier à Romorantin.

Le charron
Monsieur Marcel DUCHET fut le dernier charron de Pruniers. Il avait son atelier au début de la route de Lassay. Monsieur DUCHET partit à la guerre. Il fut prisonnier et à son retour de captivité, il reprit son métier. Il était aussi menuisier. Sa maison et son atelier servent aujourd'hui au centre de loisirs.

Les forgerons
Il y avait deux forgerons qui exerçaient tous deux la maréchalerie. L'un avait son atelier dans celui qu'occupait monsieur Emile CARRE, serrurier, au n°180 de la rue du Lieutenant Colonel MAILFERTet l'autre avait sa forge dans la rue georges Clémenceau. Ils ferraient les chevaux sur le pas de leur porte. Il s'envolait une odeur de corne brûlée qui montait en volutes quand ils appliquaient le fer rougi sur les sabots.

 

Anecdotes d'antan
Textes extraits du bulletin de l'an 2000

La ferme et les jardins
A l'angle de la rue qui conduit à Lassay, sur le côté droit, se dressait autrefois la maison de madame Céline ROUZEAU. Et là où se trouvent aujourd'hui le cabinet d'assurances, la poste et la pharmacie, il y avait alors une ferme avec ses bâtiments et sa cour. Elle appartenait à monsieur BARBE qui la louait à monsieur Gaston MESTRE. Celui-ci cultivait, à l'aide d'un cheval, des terres très ondulées sur lesquelles ont été bâtis, par la suite, la salle des fêtes Alain Fournier et son parking. Chaque année après les moissons, une grande batteuse, comme on en voit aujourd'hui dans les musées, s'installait dans la cour de la ferme. Jadis animée par un cheval, puis par une machine à vapeur et plus tard par une courroie de tracteur, cette machine constituait pour les enfants un spectacle de choix dont beaucoup se rappellent encore les bruits de mécanique bien huilée et les parfums si caractéristiques de la campagne d'autrefois.
Derrière cette ferme et partout alentour s'étendaient des jardins, notamment là où ont été construits l'école maternelle et son parking. L'un d'eux était cultivé par monsieur LEROY, dont l'épouse était épicière. Un jour, monsieur LEROY semait des haricots. Comme il est normal de procéder en pareille circonstance, il traça d'abord des sillons bien droits et parallèles ensuite, le dos courbé, et le regard posé sur son travail. Il se mit à semer en progressant en marche arrière. Dans le jardin d'à côté se trouvait à ce moment le menuisier monsieur LAMBERT. Soudain, celui-ci entendit un tintamarre que ponctua finalement un grand
plouf ! C'était monsieur LEROY qui, absorbé, par sa tâche, venait de tomber dans son puits en cognant, fort heureusement, le seau qui fit office d'alarme et c'est ainsi qu'il fut sauvé d'une mort certaine par son voisin.

Le curé
Pendant la dernière guerre, même les curés furent mobilisés. Il en résulta que le curé de Pruniers fut appelé sous les drapeaux. Il eut pour remplaçant le curé de Gy qui dut exercer son sacerdoce dans de nombreuses paroisses. Monsieur le curé Hibry, pour les besoins de ses fonctions itinérantes, utilisait une petite automobile à trois roues. Pendant qu'il officiait ou qu'il faisait le catéchisme, elle était stationnée devant l'église, dans le chemin qui descend en pente douce vers le lavoir. Un jour, plusieurs garnements desserrèrent le frein à main de l'auto qui cessa de rester immobile. Elle se mit à rouler, rouler de plus en plus vite tant et si bien qu'elle finit sa course dans la Sauldre. Les enfants ne trouvèrent rien de mieux que de lester, à l'aide de pierres, le véhicule à demi-immergé.

 

Période de guerre 1939-1945
Les commentaires et photographies ci-dessous, sont le fruit des réunions des anciens de la commune

Le hangar
En 1939, à la déclaration de la guerre, il existait un hangar à la Petite Gastière qui avait servi à stocker des pièces détachées d'avions de la guerre 14-18. Ce bâtiment a aussi été utilisé pour rassembler les insoumis, ou objecteurs de conscience. Ils couchaient sur de la paille. Monsieur Cloarec déclare avoir lu dans les archives de Pruniers que ce hangar fut financé par Romorantin pour le développement de l'aviation.

Cet hangar nous parle : "Eh oui, c'est bien moi, le hangar ! J'ai été construit bien avant la guerre de 14 et j'ai abrité les avions VOISIN et autres. J'ai vu les américains. J'avais un concierge qui s'appelait PIEDNOIR. A la déclaration de guerre en 1939, j'ai abrité les insoumis de l'armée que l'on appelait les "JOYEUX". J'ai vu les Allemands faire des manoeuvres autour de moi. J'ai vu un couple avec deux enfants réfugiés dans la maison près de moi manquer de se faire fusiller par les Allemands attaqués par les maquisards. Le père, parlant un peu l'allemand car il avait été prisonnier de guerre en 1914, a sauvé sa famille. Ensuite, je fus délaissé. Comme visite, j'avais le couple qui venait entretenir leur jardin. J'étais bien seul mais un jour j'ai vu arriver une horde de gros engins qui m'ont entièrement démonté. Je me suis dit : où vais-je aller ? J'ai eu peur d'aller à la feraille !!! Eh bien non, me voilà arrivé au sud de la base aérienne et l'on me remonte. J'étais le seul et très content car j'abritais de nouveau des avions. Aujourd'hui la vie autour de moi est très active et je peux finir mes jours bien entouré. Merci !!!"
Texte de Maurice GAULTIER

L'exode
Durant l'exode, il y avait des voitures abandonnées, faute d'essence, un peu partout. En 1940, on rencontrait à Pruniers nombre de familles de l'Oise, de la Somme, de Belgique. Ce n'était pas la première fois que l'on rencontrait des réfugiés à Pruniers car avant, en 1936, on avait vu des espagnols. Un jeune, issu de l'exode de 1940, a été pris à la charcuterie CARRE pour travailler en tant qu'apprenti.

Les réquisitions
En 1939, au début de la guerre, on récupéra la feraille des habitants de Pruniers. Elle était entassée près de l'église, à côté du corbillard pour faire de l'"acier victorieux". Le tas était très haut. A la déclaration de la guerre, les chevaux furent réquisitionnés et rassemblés à la gare de Romorantin. A la libération, un prunellois a récupéré un cheval de l'armée canadienne.
Les armes devaient être remises en mairie mais certains habitants de Pruniers les cachèrent, bien souvent enterrées dans le jardin après les avoir enveloppées de journaux ou chiffons bien huilés afin de les récupérer plus tard en bon état. Les armes étaient aussi déposées dans les villages, dans les mairies ou dans les sous-préfectures, par les soldats français en déroute. Beaucoup de soldats ne déposèrent pas les armes mais passèrent de l'autre côté du Cher, qui délimitèrent un peu plus tard les zones libres et occupées.
Les allemands, dès leur arrivée, détruisirent les armes toujours stockées. Proche de la maison des associations actuelle, le grenier d'une maison appartenant au père de Lucien CARRE contenait un tas d'armes cassés par l'armée française en débacle. Les allemands ont failli fusiller le père de Lucien à la découverte de ce stock.
Les bâtiments communaux, comme les écoles, furent réquisitionnés ainsi que des chambres chez des particuliers prunellois. Les écoles prunelloises, réquisitionnées, furent remplacées par des pièces vacantes chez des particuliers. Notamment rue du Stade et dans trois maisons en face du restaurant actuel de monsieur FARRADECHE, le petit Chesnaie.
Une des demoiselles CLEMENT, celle qui s'appelait Margueritte, et les frères SIMON faisaient la classe. Devant l'école, une station d'épuration a été construite par les allemands. Elle n'a jamais fonctionné.
Les allemands avaient un grand besoin d'hébergement à cause de la proximité du camp de Pruniers où de nombreux militaires étaient basés. Deux baraques en bois, érigées en centre bourg à l'emplacement de l'école maternelle actuelle, servaient de dortoir avec un couloir central et des chambres de parts et d'autres. Des "roulantes" étaient installées dans la cour de l'école des filles pour préparer les repas des allemands.
Les hommes et les jeunes gens de plus de 16 ans furent réquisitionnés de force pour surveiller, la nuit, les lignes électriques, les voies ferrées, etc... enfin tous les points sensibles, afin d'éviter les sabotages par le maquis. Les réquisitionnés étaient armés de bâtons. Pour pouvoir circuler, ils avaient des "aussweiss", ou laisser-passer qu'ils devaient présenter à toute demande de l'occupant. Lucien BOULEAU se souvient que son père Maurice participait, comme réquisitionné de force, à la surveillance de la ligne de chemin de fer Tours-Vierzon. Le chef de son équipe, réquisitionné lui aussi, lui avait donné pour consigne de ne rien dire aux allemands concernant d'éventuels maquisards rencontrés. Tous les prunellois de 20 à 60 ans étaient réquisitionnés pour la surveillance. Maurice GAULTIER se souvient que Londres avait averti l'aviation de ne pas bombarder les lignes électriques pour, qu'à la libération, la France ait le maximum de puissance sur ses lignes.
Des prunellois sont partis au Service de Travail obligatoire, en Allemagne, à l'âge de 17 ans.
Les allemands réquisitionnaient aussi les gens de Pruniers pour aller faucher les pistes de la base et reboucher les trous de bombe, ou ramasser des pommes de terre pour les cuisiniers de la base.

Aménagements divers
Une passerelle au-dessus de la Sauldre était érigée à la hauteur du château d'eau militaire, afin de permettre aux militaires allemands de pourvoir très rapidement se disperser dans la campagne en cas d'attaque aérienne anglaise ou américaine. C'était la passerelle des Bruzolles.
Les allemands enterraient des conteneurs dans le près à monsieur DOUCERON pour se mettre dedans.
A Pruniers, il existait deux tranchées faisant fonction d'abris aériens. Une tranchée était située devant la salle des fêtes, sur le près du père MESTRE dont la ferme était située à l'emplacement actuel de la pharmacie. L'autre tranchée était sur la route de Lassay, actuellement rue Victor Hugo, face à l'ancienne école des filles, maintenant à la place du centre de loisirs. A l'époque, c'était parmi les vignes.
La forme de ces tranchées était en zig-zag afin de ne pas subir l'effet de souffle ou l'onde de choc des bombes. Effet de choc qui serait mortel dans une tranchée rectiligne. Malgré ces aménagements anti-aérien pouvant recevoir 25 à 30 personnes, beaucoup de prunellois préféraient aller se réfugier dans les bois, loin des maisons. L'approche des avions bombardiers alliers était annoncée par la sirène du camp de Pruniers. Etant donné que tout le matériel de la base avait été caché dans le bois des Thivault, on peut dire que la base ne servait qu'à l'emission de cette sirène.

Bombardements 1940-1944
Il faut d'abord dire qu'avant l'occupation, la base et Romorantin (notamment la gare) ont été mitraillés par des avions italiens.
L'US AIR FORCE était équipée de forteresses volantes B17 quadrimoteurs et de LIBERATORS B24 quadrimoteurs.
La ROYAL AIR FORCE était équipée de STERLING quadrimoteur et du fameux LANCASTER quadrimoteurs et ALIFAX quadrimoteurs.
A cette époque, le gros des bombardements de jour était réalisé par l'US AIR FORCE et la nuit par la ROYAL AIR FORCE.
Les bombardements de Pruniers en 1944 sont relatés dans le livre "Quand les alliés bombardaient la France", editions PERRIN, 1997 : le 10 avril 1944, de 9h55 à 11h05, 49 LIBERATORS B24 avec chasseurs bombardaient le camp ; le 30 avril 1944 à 12h15, 12 chasseurs THUNDERBOLT américains bombardaient le camp ; le 4 juin 1944, 72 B24 LIBERATORS bombardaient le camp. Des avions en bois servaient de leurre aux attaques aériennes.
C'est le lundi de Pâques 44 que les Anglais sont venus bombarder le camp alors qu'une école d'aviation allemande de pilotes de chasse faisait ses exercices journaliers... Cette école était arrivée la veille des Rameaux. Tous les jours ils survolaient Pruniers avec un bruit assourdissant, continuel et donc insuportable du lever au coucher du soleil. Le jour de l'attaque anglaise, les Allemands, au sol, envoyèrent des fusées rouges pour prévenir les avions qui n'avaient pas encore aperçu les aliés.
Lucien BOULEAU se souvient que les forteresses volantes américaines bombardaient à haute altitude, donc peu de bombes tombaient sur le camp. Lucien BOULEAU se souvient des bombes tombées autour de l'Abbaye, bombes dont la projection de marne
(de l'argile et du calcaire) traversa la toiture pour finir sur la table de nuit de son grand-père. Plus dur que la marne : les morceaux de rails tombaient du ciel...
Jean-Marie Bisson se souvient que son père, Daniel, avait fait le voeu de refaire les vitraux de l'église de Pruniers
(qui avaient été détruits par les bombardements), si son moulin résistait. Après la libération, le voeu fut réalisé et les vitraux furent mis en place par les Ateliers GOUFFAULT d'Orléans. Comme il est d'usage, le mècène d'un vitrail laisse une signature personnelle figurative. Ainsi, dans le coeur, de part et d'autre de la Vierge, figurent les Saints patrons des deux fils de Daniel BISSON : Saint-Jean Baptiste, également Saint Patron de l'église et Saint-jacques.
Des postes de D.C.A. étaient placés à côté de la Philipière où les emplacements sont encore visibles.
La photographie du culot de bombe ci-dessous a été récupéré par Lucien CARRE en bas de la Nigaudière, dans un pré. Une douzaine de bombes y sont tombées.

 

Les commentaires ci-dessous, sont extrait du bulletin spécial"Romorantin sous l'occupation"de la Société d'Art, d'Histoire et d'Archéologie de Sologne 14, rue de la Résistance 41200 Romorantin Tel : 02 54 76 22 06

Bombardement du camp de Pruniers, 25 mai 1940
Monsieur Roland AUGER relate dans son livre "Journal de guerre d'un non combattant" (éditions Le Clairmirouère du temps, 1992) le bombardement du camp de Pruniers le 25 mai 1940 vers 16h par 18 bombardiers allemands. Des Stukas auraient causé des dégats très importants aux hangars et installations. 152 bombes furent lâchées et huit soldats français, servants à la D.C.A. furent tués. Le soir même, un bombardier allemand revint larguer huit bombes sur la base. Ces destructions expliquent à elles-seules les pesantes réquisitions allemandes d'ouvriers du bâtiment en juillet 1940 pour remettre le site opérationnel.

 
Bombardiers allemands et Stukas

Bombardement du camp de Pruniers le 15 juin 1940
Monsieur Roland AUGER précise dans son livre, "Journal de guerre d'un non combattant" (éditions Le Clairmirouère du temps, 1992), que 17 bombardiers ont encore occasionné des dégâts importants aux installations de la base vers 13h. Il n'y eut pas de victimes. L'effet de surprise n'a pas joué comme la première fois car une partie du matériel avait été évacuée. La D.C.A. avait reçu du renfort et des chasseurs de la base, une patrouille polonaise équipée de Morannes 406 avait eu le temps de prendre l'air. Quatre appareils ennemis furent abattus, un par la D.C.A. et trois par la chasse. Les journaux locaux ne paraissant plus, nous n'avons aucun autre témoignage sur ces deux bombardements du camp de Pruniers. Or, un document retrouvé dans les archives municipales ne concorde pas avec les souvenirs de Roland Auger. Sur une liste de ictimes militaires inhumées à Romorantin, figurent la date et le lieu de décès. Le 5 juin 1940, 12 militaires seraient décédés à Pruniers : Melchior CHORLET, Roger FOURRIER, Jacques GUYON, André JACOB, Emile KEMPF, Roger MARDON, André MIKKES, Bernard MOISAN, Anatole NEGRERIE, Jean PERALES, Robert POUX et Joseph RUDO. Deux autres le lendemain : Albert BAUZON et René DALHEIM.

Moranne 406 polonais

Bombardement du camp de Pruniers le 10 avril 1944
Pendant l'alerte déclenchée de 9h55 à 11h05, le camp de Pruniers a été successivement mitraillé et bombardé par l'aviation anglaise. Chasseurs et bombardiers, en très grand nombre, sont passés au-dessus de Romorantin (source : archives départementales du Loir-et-Cher).
Le 11 avril 1944, le maire de Romorantin adresse un rapport au préfet : "Le camp de Pruniers a été touché par des bombes incendiaires et explosives lancées par une formation d'une cinquantaine d'appareils à deux reprises. Sur l'ordre des autorités allemandes, les sapeurs pompiers de Romorantin se sont transportés au camp de Pruniers afin de prêter leur concours au service de secours. Le second bombardement s'étant produit alors que les pompiers se trouvaient sur place, je me suis rendu moi-même sur les lieux. J'ai pu constater ainsi la bravoure et le sang froid de nos jeunes et vaillants sapeurs qui, sous les ordres du capitaine Cuisinier et du lieutenant Huet, ont eu une conduite exemplaire. Nous n'avons pas à déplorer de victimes civiles, même parmi les ouvriers des entreprises travaillant pour l'autorité allemande. Les réservoirs à alcools se trouvant sur le territoire de la commune de Gièvres ont été incendiés."
Près l'attaque, le préfet adresse ses félicitations pour bravoure et sang froid aux sapeurs pompiers sous les ordres de Cuisinier et Huet. Le 20 avril 1944, la Feldkommandantur de Blois exprime sa reconnaissance pour l'intervention énergique et courageuse des sapeurs-pompiers qui ont pris une part active aux travaux d'extinction de l'incendie au moment du bombardement.

Bombardement du camp de Pruniers le 30 avril 1944
Vers 12h15, (source : archives départementales du Loir-et-Cher), des avions de chasse ont survolé le camp de Pruniers. Des bombes ont été lancées. Le commissaire s'est rendu sur les lieux à la fin de l'alerte avec l'adjudant de gendarmerie. Sept bombes explosives ont été lancées sur le camp. Une bombe est tombée sur le bord de la route, à l'entrée du camp (baraquement à droite de l'entrée du camp), une autre est tombée à 550 m plus loin sur le milieu de la route de Romorantin à Selles. Tous les fils téléphoniques et électriques ont été coupés.

Bombardement du camp de Pruniers et du camp des Landes le 4 juin 1944
Le commissaire envoie un long rapport au sous-préfet, dès le lendemain, sur ce tragique bombardement (source : archives départementales du Loir-et-Cher) : "J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'au cours de l'alerte qui a duré le 4 juin courant de 19h33 à 21h04, de nombreuses escadrilles d'avions anglo-américains ont survolé la ville de Romorantin et ont lancé des fusées. Quelques instants plus tard, un bombardement assez intense était perçu au sud-ouest de Romorantin dans la direction de Pruniers et du camp des Landes. Suivant vos instructions et dès la fin de l'alerte, nous nous sommes portés sur les lieux et avons constaté qu' à environ deux kilomètres de Villefranche, au bord de la route qui va de Villefranche à Selles, au lieu-dit Sainte Marthe, de nombreux points de chute ont été relevés. Une auberge située à droite de la route et tenue par M. Berthau Clotaire a été complètement détruite. Parmi les occupants, on compte quatorze morts (dix hommes, trois femmes et une jeune fille) et sept blessés. Une section de gardes mobiles cantonnés à Villefranche assure le déblaiement et le transport des morts. A proximité du camp des Landes, la route est coupée en deux endroits par des bombes de fort calibre sur une longueur d'environ dix mètres. Autour de ces points de chute, de nombreux incendies se sont déclarés dans les bois de sapins situés au bord de la route et prennent une dangereuse extension. Plus loin, toute la partie du camp et des Landes est en flammes. Cependant, le silo, le château d'eau et les hangars environnants ne sont presque pas touchés. Près de la gare de Pruniers, au lieu dit Les Quatre Roues, plusieurs bombes sont tombées creusant des entonnoirs sur la route. Un mort et trois blessés ont été transportés de cet endroit à l'hôpital de Romorantin. Le bourg de Pruniers n'a subi aucun dommage. Par contre, les hangars métalliques du camp de Pruniers ayant échappé à la destruction des derniers bombardements ont été entièrement détruits. Il est à remarquer que, tant à Pruniers qu'au camp des Landes, des bombes incendiaires et explosives ont été employées. On peut évaluer à quatre cent environ le nombre de points de chute. Aujourd'hui en fin de matinée, nous avons été avisés que les incendies des bois mentionnés plus haut ont été circonscrits à 5 heures.
La liste des morts s'établit ainsi :
Lieu-dit Sainte Marthe, BERTHAU Clotaire, TOYER Gaétan, GIRAUDIN Marcel, BERTRAND Louis, DESSIAUME Anselme, VILLAIN Abel, GAEDA Gracia
(sujet espagnol), SOURIOUX Abel, BERTHAU Clotilde née Sarton, FAISANT Dupont, MASCET Charlotte née Mer, Madmemoiselle MASCET Pierrette.
Dans un bois de pins face au camp, le corps de Monsieur René LACHIESA a été retrouvé décapité. Pruniers, Monsieur BARDOUX Camille
(père de dix enfants).
On compte en outre à Saint-Marthe sept blessés et trois à Pruniers. Au cours de la nuit du 4 au 5 juin, trois personnes hospitalisées à Romorantin ont succombé à leurs blessures, à savoir Madame veuve BERTHAU et Monsieur BLAISE. Tous deux ont été blessés au bombardement de Sainte-Marthe. Madame SAULAT, chef de gare à Pruniers, a été blessée au cours du bombardement et qui succomba à ses blessures.

Les distractions sous l'occupation
L'occupant interdisait tout rassemblement et imposait un couvre feu à 21h. Malgré tout, la jeunesse organisa des bals clandestins dans les écarts, à Saugirard en particulier. Exceptionnellement, il y avait des rassemblements dans le bourg, ce qui était dangereux. Les gendarmes allemands faisaient des rondes en vélo et veillaient... Ils faisaient peur avec leur "colier à vache" autour du coup. Il est arrivé qu'avant la venue d'une patrouille qui, heureusement, avait été signalée, que les jeunes soient obligés de se quitter précipitamment en passant par les fenêtres. Être pris entraînait de gros risques. Il était d'usage de se cacher dans les herbes au moindre bruit de bottes. Un enfant prunellois, qui s'était attardé à ses travaux de la journée, reçu des coups de botte dans le derrière alors qu'il tirait du foin après 21 heures. A la maison il fallait soit éteindre les lumières (à cause des bombardements), soit mettre des cartons aux fenêtres.
A la Garde, sur la commune de Gy, il fut aménagé pour danser un parquet dans une grange. Le propriétaire était monsieur GAUGRY. Avant de quitter les lieux, on mangeait la fromagée puis on cachait le parquet sous une couche de foin. Et pour danser, par exemple sur l'air de "La rue de notre amour", il fallait naturellement des musiciens !

C'est ainsi que fut créé la formation "Le Marinette Jazz". Il était d'usage de mettre un bérét par terre pour recevoir des pièces.
La formation a joué au bénéfice des prisonniers à la Ferté Imbault avec Madeleine SOLOGNE, à Blois au théâtre municipal et pour les prisonniers, pour, avec les bénéfices, envoyer des colis. Les membres de cette formation apprenaient la musique au grand jour avec leur professeur monsieur RYNINE qui venait 2 fois par semaine à Pruniers acec Jean SAUGER. Les allemands ne voyaient que des cours de musique. Ce qu'ils ne savaient pas c'est que, certaines nuits, ces musiciens jouaient clandestinement.


Le Marinette Jazz

Les seuls concerts officiels étaient joués par l'orchestre militaire allemand, sur la place de l'église, sous les tilleuls. Les soldats allemands, quant à eux, faisaient la fête à "La Grenouillère".

Partitions d'époque qui étaient jouées par le Marinette Jazz

Les rationnements
Il y avait des rationnements pour la nourriture, les vêtements, les chaussures... Il fallait retirer les tickets à la mairie. Il vous était attribué contre ces tickets une ration de pain ou de viande, ou de sucre... Les portions étaient légères... Les prunellois allaient chercher un petit plus dans les fermes. Parfois ils passaient le Cher pour aller chercher, en zone libre, de l'huile, du savon ou des vêtements. Les portions étaient établies en fonction de l'âge ou de la pénibilité de son travail. Les catégories étaient J1, J2, J3 ou travailleur de force. Les commerçants devaient tenir un registre détaillé concernant les distributions des denrées. Voici le livre de Germain CARRE, charcutier à Pruniers, qui allait s'approvisionner en matière première à l'Octroi de Romorantin contrôlé par les allemands et qui était tenu par monsieur PION. L'octroi était un abattoir et une réserve de vivres. L'octroi existait avant la guerre, les fermiers prunellois y fournissaient leur quota de beurre.

Les colis aux prisonniers
A l'école des filles, on se réunissait avec mademoiselle CLEMENT, institutrice, et les deux instituteurs SIMON pour confectionner des colis aux prisonniers. Le prisonnier filleul de la commune était monsieur VIOLETTE. Le retour des prisonniers se fêta dignement, une fois que tout le monde fut rentré au village.

Parachutages
Il y avait des parachutages pour les membres de la résistance à la Flandrinière. Les résistants de Pruniers allaient chercher les caisses d'armes et les camouflaient dans des bottes de paille. Les caisses contenaient aussi des pioches démontées. On les apportait à la ferme de Chêne Moreau, quartier général d'une fraction de la résistance. Cette ferme était à 500 m du château de Chêne Moreau, château qui habritait de hauts gradés allemands.

Pruniers détruit ?
Une colonne allemande avait été annoncée par les réseaux de la résistance. Deux résistants se sont donc postés, avec un fusil mitrailleur, devant l'emplacement actuel de la salle des fêtes et dans le pré de monsieur CARRE. Heureusement, la colonne n'est jamais passée... Pruniers aurait sûrement été détruit par la bataille.

André MORAND
André MORAND était un jeune résistant, il a été fusillé aux lieu-dit "Les Quatre Roues" le 13 août 1944.

Voici ci-après ce qu'écrivait la Nouvelle République du lundi 4 août 1947 :
Malgré le soleil accablant, malgré la période des vacances, une foule nombreuse et émue a assisté hier à Pruniers à l'inauguration du monument élevé à la mémoire du jeune F.F.I. André MORAND. André MORAND, qui avait pris le maquis avec son père et son frère pendant que sa mère était déportée en Allemagne, a été fusillé dans la commune même où il était né 19 ans plus tôt. Grâce à la générosité de la Résistance, de la municipalité et de la population de Pruniers, un monument a été érigé à l'endroit où le jeune héro paya de sa vie son courage et son patriotisme. Un défilé, parti du moulin des Quatre Roues, se rendit au monument érigé tout près, pendant que retentissait "Le Chant des Partisans" diffusé par des hauts parleurs. Les pompiers et la clique ouvraient la marche suivis des porteurs de nombreuses et magnifiques gerbes, de la section F.F.I., des personnalités parmi lesquelles MM LOUSTAU député, MAUGER président du C.D.L., MILOT conseiller général et maire de Contres, Théo BERTHIN et CANTEREAU membres du C.D.L., le docteur BREITMAN conseiller général de Romorantin, SAUZIER président départemental de la F.N.D.I.R.P., CARTIER adjoint au maire de Blois et directeur départemental de l'Office des Combattants, CHARBONNIER chef de la division de la préfecture, HAÏ chef de cabinet à la sous-préfecture de Romorantin,Daniel BISSON maire de Pruniers accompagné de son conseil municipal, CHARLOT directeur départemental à la population, le commandant BOURGOIN, MM AUDEBERT et le Docteur CHRETIEN adjoints au maire de Romorantin, de nombreux maires de communes environnantes, le capitaine CUISINIER, l'adjudant-chef de gendarmerie FOURDACHON et l'adjudant LABUSSIERE, etc... Venaient ensuite la famille du jeune MORAND, des délégués des déportés, de résistants, des anciens combattants et des prisonniers de guerre et enfin de la foule. Une importante délégation du conseil municipal de Contres et de nombreux amis controis assistaient également à la cérémonie. Les drapaux des F.T.P.F. de Romorantin, du corps franc VALIN de la VAYSSIERE, de la F.N.D.I.R.P., de l'amicale des Résistants de Romorantin, des anciens combattants et des prisonniers de guerre de Pruniers, cravatés de crêpe, précédaient les délégations. Le lieutenant LEGRAND, chef de la Résistance de Pruniers, dévoila le monument et demanda une minute de silence. Monsieur BISSON, maire de Pruniers, prononça alors un discours. Après le dépôt des gerbes, un clairon sonna "Aux morts" et la foule émue écouta ensuite "La Marseillaise". Puis le cortège se reforma pour se disloquer dans la cour du moulin où la foule présenta ses condoléances à la famille du jeune martyr. Enfin, une réception eut lieu dans la salle des fêtes de Pruniers au cours de laquelle Monsieur BISSON renouvela à la famille MORAND l'expression des condoléances de toute la population de Pruniers, puis, en quelques mots, Monsieur Robert MAUGER remercia la municipalité de Pruniers, son maire et la population, de la réalisation de cette cérémonie à la mémoire de son jeune camarade.

Voici ci-après ce qu'écrivait la Nouvelle République du mercredi 6 août 1947 :
Nous avons rendu compte, dans notre édition de lundi, de la cérémonie qui s'est déroulée à Pruniers dimanche dernier à l'occasion de l'inauguration du monument élevé à la mémoire du jeune André Morand, fusillé par les Allemands à la veille de la libération. A la demande de la famille, un seul discours a été prononcé devant le monument par Monsieur Daniel Bisson, maire de Pruniers. Monsieur Bisson a rappelé qu'un camion était tombé en panne le 13 août 1944 aux "Quatre Roues", transportant un jeune homme héro des F.F.I. Il se fait un devoir sacré de remémorer, devant le monument glorieux, le magnifique exemple que le splendide sacrifice de ce vaillant jeune homme qui a donné sa vie pour la France et que ses bourreaux ont martyrisé et fusillé sur cette commune de Pruniers.
"Pleurant le disparu, notre pensée reconnaissante et émue évoque le souvenir de ce jeune homme dont l'exemple est celui du devoir sublime et silencieux : mourir obscurément dans une gloire collective et mourir pour son pays. " Monsieur Bisson a ensuite évoqué toutes les phases du drame vécu par la famille MORAND, traquée par la Gestapo. "Le père quitte Contres - où il vivait depuis 11 ans le 25 mars 1943. André s'enfuit le 2 août. Sa mère est arrêtée et déportée en Allemagne le 17 août. Retrouvant son père et son frère dans le maquis, André est volontaire. Il se voit confier une mission périlleuse et le 12 août 1944, à 8h du soir à Meusnes, il est arrêté, chargé dans un camion qui l'amène aux "Quatre Roues". Il est descendu violemment pour être fusillé et jeté dans un trou, abandonné sans possibilité d'identification immédiate. Grâce au dévouement de Messieurs Alexandre SIMON, Paul DOUCERON, Georges MARADENES et Robert BLONDEAU, son corps fut transporté, malgré les graves difficultés existant à l'époque, au bourg de Pruniers où une cérémonie fut organisée et suivie d'une assistance sympathique. Voilà ce que ce monument doublement sacré nous rappelle, ce qu'il dira aux générations qui montent, afin qu'elles ne laissent pas s'éteindre la flamme patriotique et française qui animait notre jeune compatriote de 19 ans. "
Après avoir rappelé que la France lui a justement décerné la "Croix de Guerre", Monsieur Bisson a conclu en soulignant le symbole de ce monument et en demandant à la foule de s'incliner profondément devant, avant de se séparer.

Voici ci-après ce qu'écrivait Gilbert RIGOLLET dans une lettre à la Nouvelle République le 6 mars 2006 :
"J'ai été très ému par le rappel de la nuit tragique du 11 août 1944. L'identification du jeune résistant torturé à mort a été facile pour moi puisqu'il s'agissait d'un camarade de la "Section de Contres" des F.F.I. à laquelle j'appartenais moi même, ainsi que son père René et son frère Jasmin. Sa maman, Juliette a été déportée en Allemagne. André MORAND -notre petit "Dédé"- avait été envoyé en mission sur les bords du Cher. A un carrefour, il croisait un détachement allemand. On connaît la suite tragique. Notre section avait été placée sous le commandement du lieutenant Louis LE PALLEC. Elle avait reçu l'ordre de s'emparer des locaux de la Milice à Blois, et des miliciens pouvant s'y trouver, André devait nous y rejoindre. C'est là que nous avons appris le drame. Il nous était interdit d'en parler à son père et à son frère. Malgré ses horribles souffrances, André n'a pas parlé sous les tortures. S'il l'avait fait, quel sort aurait été le nôtre ? Nous étions une cinquantaine dans l'immeuble de la Place de la République.

La reddition de la colonne Elster le 15 septembre 1944

Entre avril et septembre 1944, le général de division Botho Henning Elster dirige la Feldkommandantur de Marseille puis de Biarritz. Lors du repli, Elster est chargé, à sa grande surprise, de commander une arrière-garde de 25 000 hommes. Tout en remontant vers le nord, il prend secrètement contact avec la Résistance puis avec les Américains, pour préparer sa capitulation. Convaincu de la défaite imminente de son pays, Elster estime qu'il faudrait arrêter les hostilités et épagner la vie des soldats. Mais il ne veut se rendre qu'à une unité militaire régulière. Ce sera chose faite le 14 septembre 1944 à Beaucency, sur la Loire, où la 822ème Military Police Company américainne entérine sa reddition. Il se rend aux américains à Pruniers, au Château de Chêne Moreau, château dont on reconnait les arcades sur cette photographie ci-dessous.

Jusqu'en février 1947, Elster sera donc prisonnier de guerre, d'abord des Américains puis des Anglais. Pendant sa captivité, il a dû essuyer les insultes de nombreux codétenus allemands, pour lesquels il est un traître. Quelques semaines avant la capitulation de l'Allemagne nazie, il sera d'ailleurs condamné à mort par la Volksgerichthof pour avoir transgressé les ordres de ses supérieurs.

La libération
Devant l'arrivée des forces de libération, l'occupant commença à faire mouvement vers l'Allemagne. Les résistants harcelèrent ces troupes en replis qui ripostèrent en prenant des otages, en tuant des maquisards... Sur la commune de Pruniers, deux monuments sont érigés en l'honneur des résistants tués par l'occupant. A la Flandrinière fut mort au combat, avec d'autres résistants, Roger CHALAULT de Lanthenay. Les allemands l'avaient enterré à côté de l'étang. Un monument, au souvenir des résistants locaux, se dresse à la Flandrinière.
Il y eut un attentat ou une rébellion à la base. Les allemands ont réuni des gens de Pruniers en représaille devant l'église. Le maire de l'époque, monsieur SARTON, et son adjoint ont dit que s'il fallait tuer quelqu'un c'était eux. La représaille n'a pas eu de suite connue...
Le 22 août 1944, monsieur Alphonse ROBIN, en passant dans le quartier du Bourgeau à Romorantin alors qu'il allait prendre son service au commissariat, aperçu un incendie dans une maison. Cet incendie avait été allumé par des allemands. Il s'empressa de l'éteindre mais il fut arrêté avec deux autres romorantinais. Ils furent emmenés par les allemands à la Brigaudière, commune de Pruniers, où ils furent fusillés.
Le mois de septembre 1944 a vu les derniers allemands libres à Pruniers.
Après cette date, des prisonniers allemands ont été employés à la Philipière et à la Barrilière comme ouvriers agricoles afin de palier au manque de main d'oeuvre.

Après la guerre
La liberté retrouvée, le calme est revenu. Pour fêter la victoire, les prunellois dansèrent durant trois jours autour du monument aux morts. Certains usèrent les semelles en bois de leurs chaussures ! Pierre GERMAIN se souvient avoir aidé Roger LAMBERT, menuisier et organiste, à sonner le toscin en tapant sur la cloche de l'église.
La reprise du travail fut difficile : les paysans manquaient d'outil et d'animaux de labeur. Le travail dans les champs se faisait pratiquement à la main. Les cultivateurs allaient vendre leurs productions davant la halle de Romorantin, pas à l'intérieur car celle-ci fut incendiée par les allemands en 1944. Sur Pruniers, on comptait au moins 80 paysans.
Puis la vie reprit son rythme et, chaque année, les cirques venaient s'installer devant le puit du Pâtureau du Grand Village...

 

Retour historique de Pruniers