Le
Prieuré Saint-Martin de Pruniers
source : bulletin de
la Société d'Art et d'Archéologie de la Sologne n°1, premier
trimestre 1983
Par Jean-Marie QUELQUEGER
En sortant du bourg de Pruniers sur la route de Billy à quelque distance de la mairie, un pannonceau sur la gauche indique la direction "Le Prieuré". Au bout de quelque dizaines de mètres, le chemin communal s'arrête devant un corps de bâtiments situés à une centaine de mètres de la Sauldre. Là devant l'entrée de la cour, anciennement close par une porte cochère, nous saissons trois bâtiments disposés en fer à cheval qui formaient une ancienne métairie. Un des bâtiments sur la gauche comporte dans sa façade des ouvertures romanes faisant penser à une église.
1121-1791,
propriété de l'abbaye de Pontlevoy
L'ancienne abbaye
bénédictine de Pontlevoy située à une trentaine de
kilomètres de Pruniers fut fondée en 1034 par GUELDUIN,
seigneur de CHAUMONT qui miraculeusement sauvé d'un naufrage par
la Sainte Vierge, fit bâtir en reconnaissance une chapelle à
Notre Dame des Blanches et y fonda une abbaye. Cette abbaye eut
un rayonnement monastique durant près de mille ans, mais fut
célèbre également dans le domaine de l'enseignement et attira
l'élite de la jeunesse francaise. Elle possédait plusieurs
biens dans la région et nous trouvons trace de Pruniers dans
différents actes:
-24.02.1121. Jean II, Evêque d'Orléans, donne aux religieux de
Pontlevoy les églises de Pruniers, Gy, Soing, Méhers, Choussy,
Thésée et Lorges situés dans son diocèse avec leurs revenus
sous réserve de ses droits épiscopaux.
-15.04.1144. Le Pape LUCE II, à la demande de Geoffroy de LEVES,
Evêque de Chartres, adresse une bulle à FOUCHER, Abbé de
Pontlevoy, dans laquelle il déclare prendre sous la protection
directe du Saint-Siège, l'abbaye et ses moines et confirme les
possessions écclésiastiques qu'on lui a données.
-1158. MANASSES, Evêque d'Orléans, confirmant les libéralités
faites par ses prédécesseurs à l'Abbé et aux religieux de
Pontlevoy y ajoute le don de plusieurs églises de son diocèse,
dont Pruniers, Gy, Souesmes.
-1204.HUGUES, Evêque d'Orléans, confirme à l'abbaye de
Pontlevoy la possession des églises dont elle jouissait dans son
diocèse : Pruniers, Gy, Souesmes, Méhers, Choussy, Thésée,
Lorges, Fontaines et Saint-Romain.
Le lieu de
culte
Nous ignorons la date d'établissement d'un bien immobilier de
Pontlevoy. Nous ignorons également laquelle des deux églises
est la plus ancienne. L'église paroissiale Saint-Jean-Baptise ou
la chapelle Saint-Martin du Prieuré. Les habitants de Pruniers
aiment à dire que léglise du Prieuré est l'ancienne église
paroissiale, celà est peut être vrai mais cette tradition
provient du fait que les voûtes de l'église paroissiale
actuelle s'étant écroulées au milieu du XIXème siècle, l'église
a dû être reconstruite en 1853. Il y a confusion entre
construction et reconstruction.
L'église Saint-Jean Baptiste a été reconstruite au début du
XIIème siècle en style gothique angevin ; la chapelle Saint-Martin
a été reconstruite durant le premier tiers du XIIIème siècle.
Cette reconstruction simultanée est-elle dûe à une
dévastation, un incendie ? L'église antérieure Saint-Jean
Baptise a-t-elle été construite postérieurement à celle
antérieure du Prieuré pour servir d'église paroissiale et
surtout baptismale alors que la seconde ne servait plus que comme
lieu de culte aux moines du Prieuré ? Nous ignorons également
à quelle date il y a cessation du culte du Prieuré. Il est à
noter que parmi les donations d'églises à Pontlevoy en 1121,
plusieurs d'entre elles sont dédiées à Saint-Martin du
Prieuré soit celle dont il s'agit dans la donation de 1121 et
dans les confirmations suivantes :
Pruniers était le siège dun prieuré-cure dépendant de
Pontlevoy. Le prieur était en principe le curé du lieu (du
moins à partir du XVIIème siècle), le prieur primitif restant
l'abbé de Pontlevoy.
Nous ignorons quel était le nombre de moines vivant au Prieuré.
Ce lieu ne reçut peut être pas de moniales mais il est possible
que certaines vivant dans les environs (sortes d'oblates)
pouvaient recevoir l'habit et devenir ainsi personnes d'église
jouissant des privilèges de cette condition et ne dépendant que
de l'autorité du prieur. Dans le Nécrologue d'ARNOUL on trouve
les noms de FILONA, moniale de Pruniers, INGELTRUDE et ADENAIDE,
recluses... Ces religieuses pouvaient garder leurs biens mais
étaient liées au voeu d'obéissance au prieur qui les admettait
ârmi ses membres.
Pour l'an 1362 lors de l'élection d'un nouvel abbé de Pontlevoy,
nous trouvons mention de Jean, prieur de Pruniers. Les pouvoirs
de la communauté furent confiés à 5 religieux désignés, dont
Jean de Pruniers.
Il n'est pas sûr qu'au siècle suivant le prieur habitait encore
dans son prieuré, mais qu'il en retirait uniquement les
bénéfices. Ainsi l'abbaye était en pleine prospérité en 1498
sous l'abbé François de BRILLAC (+1505), mais l'abbé
administratuer du temporel perdait toute influence spirituelle,
et ses moines pourvus de prieuré à titre de bénéfces, comme
son neveu et homonyme François de BRILLAC, prieur de Saint-Martin
de Pruniers, vivaient une existence qui de plus en plus s'éloignait
du type de l'existence bénédictine.
La
métairie
La chapelle devait être
entourée par le logement des moines et d'autres bâtiments
nécessaires à l'exploitation du domaine. Il semble qu'au
XVIIème siècle déjà la chapelle ne servait plus au culte et
que le curé-prieur n'habitait plus au prieuré. Le plus ancien
bail de ferme du revenu temporel du bénéfice du Prieuré que
nous avons retrouvé, a été établi le 7 octobre 1632 entre
Arnould GAILLARD, prêtre, prieur de Pruniers et Pierre MINIER,
marchand à Romorantin. Ce revenu temporel, comportant maisons,
bâtiments, cens, rentes métairies, droits seignoriaux, eaux,
pêcheries, dîmes et autres droits et devoirs en dépendant sera
en jouissance pour 5 ans à compter du 12 novembre 1632. Les
devoirs respectifs du bailleur et du baillant sont décrits en
détail (coupe de bois, entretien des fossés et des allées du
jardin, cas d'incendie...) Le fermier entretiendra également un
bateau pour passer les habitants de Pruniers et de Gièvres. Le
bail est fait pour le prix de 300 livres que le preneur paiera
chaque année en quatre paiements de trois mois ; il paiera
également par an 1 poinson de vin du clos du Prieuré, 2 chapons
et 6 poulets. Il sera également tenu de " traicter et
défrayer audict bourg de Pruniers ledict sieur bailleur aux
quatre festes annuelles, trois jours à chascune feste, avec un
homme, deux chevaux et quatre chiens..." Le fermier ne
pourra couper aucun bois par le pied sauf le bois mort et les
taillis ne pourront être coupés qu'une fois durant le bail. Le
bailleur se réserve une petite chambre dans la maison pour y
recevoir les droits seigneuriaux.
Un autre bail est fait à Jean FILLON en 1695 pour la somme de
342 livres pour tout le revenu du Prieuré. Le Prieuré est
également tenu de payer au curé de Pruniers pour supplément de
portion congrue 93 livres, 15 sols, pour les décimes et autres
taxes. 112 livres, 17 sols ainsi que 40 livres pour l'entretien
des bâtiments du Prieuré. Le moulin de BREZOL est également
affermé à FILLON pour 40 livres.
Nous ignorons le détail des biens ayant appartenu au Prieuré de
Pruniers. Nous n'avons retrouvé qu'un inventaire des titres de
ce prieuré dressé au XVIIIème siècle. Nous tenons à
mentionner au moins les titres qui nous font regretter encore
plus l'absence des originaux:
-lettres de provisions, lettres d'attache et prise de possession
des titulaires (sans date).
-baux d'une maison sise à Romorantin, XV-XVIème siècle.
-procédure du prieur contre le curé de Pruniers (dîmes,
portion congrue), 1666.
-transaction au sujet de la portion congrue dudit curé contre le
prieur de Pruniers et les autres décimateurs de la paroisse (BERNARDINES
de Romorantin, FEUILLANTS de Selles), 1709.
-transaction entre le prieur et le curé de Pruniers par laquelle
"ledit prieur est obligé de fournir un bon bateau pour
passer ledit sieur curé pour administrer les sacrements et
passer tous étrangers moyennant salaire", 1733.
-un papier censuel des cens et rentes dû pour chacun audit
Prieuré de Pruniers lequel est fort instructif et bien écrit et
auquel on doit avoir recours en cas de besoin, 1630.
Au point de vue domanial, le Prieuré de Pruniers fournit en 1743
une déclaration pour la confection du terrier du duché d'Orléans.
Simon THIDE, prieur titulaire du Prieuré de Saint-Martin de
Pruniers, déclare métaierie et domaine, pâtureau du Guérede,
placeau des Bâtes, pâtureau de l'étang, le lieu du château
Blanc, la dîme de Saugirard, la dîme des Bardinières ou des
Buzerolles...
Bâtiments
-1 grand corps de bâtiments au Nord construit en pierres,
couvert de tuiles, comportant 2 chambres à cheminée, grenier
dessus et escalier pour y monter.
-1 autre bâtiment servant d'écurie, en pierre, couvert de
tuiles.
-1 ancienne chapelle au Nord servant de cellier, cave voûtée
dessous la chapelle et l'écurie.
-grange en retour d'équerre de ce bâtiment, partie en bois,
partie en pierre couverte de tuiles.
-1 autre corps de bâtiments au midi, en bois, couverts de tuiles,
servant de toits à bestiaux.
-loge couverte de chaume.
-entre ces bâtiments porte cochère pour y entrer.
-1 pièce de 4 septrées d'ouche, paccage et jardin, puits à eau.
Situation
de l'ensemble
-levant : un pâtureau
-couchant : un clos de vignes appelé Clos du Prieuré
-Nord : chemin de Romorantin au pont de Sauldre
-midi : la Sauldre
Pâtureaux
-1 pâtureau de 16 boisselées
-1 second de 2 septrées
-et un troisième de 6 septrées
Prés,
paccages et bruère
-4 journaux de prés appelés Prés de l'Isle
-1 journal et demi de pré appelé Pré de la Fontaine
-2 journaux et 5 pointes de pré à prendre dans la Prairie des
Manes
-1 journal de pré à la Rabinerie
-4 journaux de prés appelés Prés de l'Etang
-6 boisselées en prés, jardins et luzernes proches du Gué de
Pruniers
-le droit de communauté avec la métairie de la Nigaudière dans
un paccage de 2 septrées appelé Paccage aux vaches.
-au même endroit en communauté le Paccage aux Boeufs de 2
septrées.
-1 pièce de terre de 3 septrées appelée la Bruère Ronde.
Terres
Un total de 16 parcelles allant de 4 à 30 boisselées et de 3 à
13 septrées soit en tout 46 septrées et 120 boisselées. Nous
signalons les noms de lieu cités : la Sagonne, les Varennes
proches du bourg, l'ancien étang du Prieuré à présent en pré,
la Moizette, la Défriche, Labée, la Brigandière.