Registres paroissiaux
à partir de 1928
L'affaire du presbytère
( actuellement maison et dépendances en bords de Sauldre à côté de la charcuterie Carré)
Origine de l'affaire :
Donation Pelletier 1818

Pruniers, le 26 juillet 1928

Monseigneur,

Je me fais un devoir d'informer Votre Grandeur que le Conseil Municipal a décidé, dernièrement, de mettre en vente l'ancien presbytère de Pruniers. La maison construite par la commune, se trouve, pour la plus grande partie, sur le terrain de la donation Pelletier qui appartenait à la même curiale. Les raisons qui sont mises en avant pour justifier la vente sont les suivantes :

1°) se débarasser du locataire actuel, un rentier étranger au pays, et dont les réclamations incessantes ont lassé la municipalité ;

2°) ne pas assumer les grosses réparations dont la maison a besoin et qui grèveraient trop le budget de la commune.

La municipalité ne demanderait pas mieux que de louer au curé, mais elle sait qu'il ne peut accepter le loyer de 1200 Francs qu'elle aurait l'intention de demander.

Sur les conseils de Monsieur le curé de Romorantin, je me suis procuré, chez le notaire, une copie de l'acte de donation et ai pris l'avis de l'avoué Monsieur Vallet. Je me réservais de vous remettre, Monseigneur, à l'occasion de la retraite, les différents documents que je possède et de vous exposer la situation. Mais j'apprends que l'enquête légale "de commodo et incommodo" est ouverte depuis deux ou trois jours, et sera close le 31 courant.

Je ne saurais attendre davantage pour vous demander la ligne de conduite que je dois suivre en pareilles circonstances, pour le cas où vous jugeriez utile une protestation. J'ai déjà, en mon nom personnel, protesté au près des conseillers et je me propose de voir le maire immédiatement. Je tiens d'ailleurs à vous avouer, Monseigneur, qu'aucun sentiment d'hostilité, non seulement contre ma personne, mais contre le curé en tant que tel, n'a inspiré la situation du Conseil : j'en ai des preuves.
Veuiller agréer, Monseigneur, l'hommage de mon profond respect .



Juillet 1929, Orléans , Rue Bannier

Paul Fossé, Avoué Honoraire

Mon cher Maître,

A mon grand regret, je n'ai pu faire de recherches prolongées sur les questions que vous me soumettez. J'ai eu aujourd'hui 4 rendez-vous et demain je suis pris à la Mairie.

Il y a un point que je ne m'explique pas : comment la commune a-t-elle pu légalement prendre possession du presbytère à la suite de la loi de 1907 ? La loi du 2 janvier 1907 dispose en effet dans son article 1er :"L'Etat, les Départements et les Communes recouvriront la libre disposition des presbytères qui sont leur propriété et dont la jouissance n'a pas été réclamée par une association".

L'article ci-dessus laisse donc en dehors de son application les immeubles qui ne sont la propriété d'aucune des collectivités visées. En fait, et d'après les données du problème, le presbytère n'aurait jamais appartenu à la Commune mais aurait été donné par un ancien desservant à son successeur et à ceux qui le remplaceraient dans sa charge. La donation, ainsi rédigée, était-elle valable ? On en pourrait douter. Le point serait d'ailleurs sans intérêt, puisqu'il eût appartenu aux seuls héritiers du disposant de la critiquer. Quoiqu'il en soit, le titulaire en fonction lors de l'expulsion eût prudemment agi en s'opposant à cette mesure, en saisissant par exemple le juge des référés ou en formulant d'une façon non équivoque une protestation dont il serait demeuré trace. Peut-on se son attitude passive déduire une approbation de l'objet de la libéralité de l'immeuble ?

La même attitude gardée par le ou les successeurs de l'occupant expulsé depuis 17 ans fortifie singulièrement la position de la commune. Et cependant celle-ci détient l'immeuble sans titre. La loi du 2 janvier 1907 ne lui en confère aucun. Il n'apparait pas qu'une attribution ait pu et ait été régulièrement faite du presbytère à un établissement public.

Le curé actuel, bénéficiaire de la libéralité, pourrait donc, semble-t-il, s'opposer à la vente et revendiquer la propriété. Il justifierait, au besoin, la passivité de son prédeccesseur en 1906 par ce motif que c'est la loi du 2 janvier 1907 qui a déterminé les biens dont la Commune était appelée à recouvrir définitivement la libre disposition, c'est à dire ceux qui étaient sa propriété.



Romorantin, 1929

Gaston Vallet Avocat-Avoué

Monsieur le Curé,

J'avais l'impression très nette qu'il n'y avait aucune action utile à exercer contre la commune de Pruniers à l'occasion de la propriété de l'ancien presbytère ; l'étude que j'ai faite de la question n'a fait que corroborer cette impression.

Les immeubles ont été donnés non à l'ancien curé de Pruniers personnellement mais à l'ancien curé à raison de sa charge de déservant, et à ses successeurs à raison de la même charge.

Le bénéficiaire de la donation était donc, en réalité, la Mense Curiale.

L'immeuble est légué au recteur de la paoisse. Patrimoine de la Mense Curiale - Mense supprimée. Irrecevabilité de la demande de revendication du desservant actuel.

Lorsqu'un testateur a, sous le régime du Concordat, légué un immeuble au recteur se sa paroisse et à ses successeurs dans la cure, à la charge de dire, chaque année, un certain nombre de messes, à des intentions déterminées, il a eu en vue d'assurer à certaines personnes le bénéfice spirituel des messes et de procurer un supplément de ressources temporaires au desservant de la paroisse afin de mieux assurer le culte catholique.

Or les Mense Curiale ont été supprimées par l'article 4 de la loi de 1905, par la séparation de l'eglise et de l'Etat, et, en vertu de cette loi, et de celle du 13 août 1908, leurs biens ont été attribués à divers établissements, et aux Communes spécialement. Le presbytère a été attribué à la Commune.

Les seuls héritiers en ligne directe du donateur (monsieur l'Abbé Pelletier) auraient pu exercer dans un délai déterminé, l'action en reprise ou en revendication. Condition irréalisable puisque Monsieur l'Abbé Pelletier n'a pas laissé d'héritiers en ligne directe.

Je me souviens vaguement qu'à un certain moment, ce projet d'action en reprise avait été examiné mais qu'il a été abandonné suite à des considérations[...]

La libéralité est donc faite non au curé à charge de conserver et à laisser à son successeur, ce qui serait nul, mais à la cure. Le bien légué fait donc partie de la Mense Curiale supprimée par l'article 4 du 9 décembre 1905. Il n'aapartient pas aux tribunaux de dire à qui les biens en dépendent, ni, sous séquestre par arrêté préfectoral, à dire a qui ils doivent être attribués, mais seulement de déclarer irrecevable l'action en revendication du desservant.

Aujourd'hui, à ces considérations s'ajoute celle tirée de l'expiration du délai accordé contre l'action en reprise.

J'estime donc qu'une action en revendication serait irrecevable et mal fondée. Mais, comme je n'ai aucune prétention à l'infallibilité, que je peux très bien me tromper, je ne vois aucun inconvéniant à ce que vous soumettiez le cas à L'Evêque de Blois, certainement beaucoup plus expérimenté que moi.

Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le curé, mes respecteuses salutations.

La ferté Saint Abain, le 19. 03. 1929

Monseigneur,

C'est la propriétaire du presbytère de Pruniers qui se permet de vous écrire. Je sais combien il serait grâve de ne plus laisser à Monsieur l'abbé de Pruniers la jouissance du presbytère. Celà entrainerait peut être la suppression de la cure[...] Monseigneur, aujourd'hui il ne nous est plus possible de supporter les frais décuplés depuis la guerre. Nous avons à notre charge aussi l'école libre de la Ferté et vous comprendrez combien toutes ces charges sont lourdes. Je vous assure que j'ai le coeur navré en vous imposant cette situation. Si je pouvais vous l'expliquer de vive voix, vous comprendriez plus facilement.

Je prie votre grandeur de recevoir l'expression de mes sentiments les plus respecteux.

  Madame,

Avant de répondre au nom de Monseigneur l'Evêque, à la lettre que vous avez adressée à sa Grandeur, le 19 mars, j'ai voulu avoir un entretien avec Monsieur l'Abbé Mousnier.

Il est certain que si l'abbé de pruniers venait à quitter son habitation actuelle, il ne trouverait présentement aucun logement dans la localité.

C'est pourquoi, Madame, je me permets d'attirer votre attention sur la gravité de cette situation. Ne pourrait on pas envisager l'hypothèse d'une location modérée ?

   

   

   



   

   

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